mercredi 26 avril 2017 à 20h30

Conférence: "Les Biens Communs"

REV : Réflexions, Échanges à Verniolle (Petite Université Populaire) présente

Biens communs et modèles coopératifs Conférence proposée et animée par

Entrée libre et gratuite - ouvert à tous

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Le temps des communs

Introduction

Avez vous déjà entendu parler de la notion de "biens communs" ?

Peut-être évoque t-elle d'abord pour vous les ressources naturelles comme la planète, l'eau, l'air que nous respirons, les forêts tropicales, la biodiversité…

Pourtant, les travaux d'Elinor Oström, première femme à avoir obtenu le prix Nobel d'économie en 2009, ont démontré que les "communs" c'est à dire l'activité des communautés qui s'organisent et se régulent pour protéger et faire fructifier des ressources matérielles ou immatérielles, en marge des régimes de propriété publique ou privée, pouvaient constituer une alternative crédible et durable aux dysfonctionnements actuels de nos économies et de nos démocraties.

Les communs ?

Les communs désignent l'activité des communautés qui s'organisent et se régulent pour protéger et faire fructifier des ressources matérielles ou immatérielles, en marge des régimes de propriété publique ou privée. Zones urbaines transformées en jardins partagés par les habitants, savoirs versés dans l'encyclopédie Wikipedia par des millions d'internautes, cartographie OpenStreetMap nourries par les utilisateurs, savoirs traditionnels, logiciels libres, science ouverte, publications en libre accès, pédibus scolaires, système d'irrigation agricole partagé, semences libres, contenus éducatifs ouverts, échanges de savoirs, justice participative... Les initiatives fleurissent qui inventent des manières créatives et solidaires de générer, gérer et partager des ressources et les communs apparaissent comme source d'alternatives.

De nombreux éléments de la vie courante, matériels et immatériels peuvent faire l'objet de logiques de partage et définissent un espace qui échappe aux logiques de la propriété, qu'elle soit publique ou privée. Ces ressources partagées sont organisées et régulées par les communautés d'acteurs, petites ou grandes, locales ou non. Ces acteurs créent, maintiennent et/ou développent les communs dans lesquels ils s'investissent (logiciels libres, cartographie partagée, jardins urbains coopératifs...). Pour pallier à l'absence d'une gouvernance mondiale protectrice, les communs universels (eau, air, océans, spectre électromagnétique…) sont l'objet d'une défense par les citoyens contre les formes nouvelles d'enclosures.

Un peu d'histoire

Déjà les anciens romains distinguaient différentes catégories de propriété, dont celle des "communs" (res communae) comme les rivières ou l'espace littoral, distincts des biens publics (res publicae) comme les bâtîments et les ouvrages d'art.

Mais de manière générale, c'est une forme de gouvernance des communs qui a prévalu dans les pays occidentaux entre le 12ème et 18ème siècle pour la gestion des ressources naturelles (les pâtures et les forêts). Quatre dates importantes sont à retenir pour comprendre la problématique des communs et son évolution dans l'histoire :

  • En 1215 en Angleterre, le Roi Jean édicte une "Grande Charte", la Magna Carta dont on a fêté cette année les 800 ans, qui limite le pouvoir du Souverain et reconnaît des droits spécifiques aux citoyens. Elle garantit notamment le libre accès aux communs et comprend en annexe une "charte des forêts" qui reconnaît le droit de habitants à accéder aux landes et aux forêts.
  • Mais entre 1776 et 1825, ce droit va être brutalement remis en cause par une série de lois du Parlement anglais, qui vont consacrer l'expropriation des paysans qui utilisaient ces terres, au profit d'une minorité de grand propriétaires terriens. C'est le mouvement des "enclosures" (les champs vont être clôturés par des haies et des murets en pierre) contre lesquelles vont se révolter une partie de la population (mouvement des "diggers").
  • Pourtant c'est beaucoup plus récemment, en 1968, que l'intérêt des communs se verra radicalement remis en cause par un économiste libéral américain qui, dans un article scientifique intitulé "la tragédie des communs" croit pouvoir démontrer que la gestion "en communs" ne peut aboutir qu'à la surexploitation et au désastre écologique.
  • C'est enfin en 2009 que sonne l'heure de la réhabilitation des communs avec le prix Nobel décerné à Elinor Ostrom pour son travail de plus de dix ans de recherches, qui démontre de manière incontestable la pertinence des modes de gestion et les formes de gouvernance pratiquée par les communautés qui disposent d'une ressource "en commun".

De fait ces modes de gestion sont encore très présents dans la gestion de terres agricoles et de systèmes d'irrigation de nombreux pays du Sud. Mais ce sont surtout deux grands facteurs qui vont contribuer à "ressuciter" l'importance des communs : la complexité accrue des situations auxquelles nos sociétés sont confrontées et les crises systémiques à répétition qui en résultent d'une part, et l'irruption d'alternatives portées par de nouvelles communautés comme celle du numérique d'autre part.

Les transitions auxquelles nous sommes confrontés nous invitent en effet à inventer d'autres approches que le système bipolaire État/marché. De nouvelles alliances sont à construire dans lesquelles les communs permettent de renouveler l'imaginaire politique pour adapter l'action publique aux enjeux du 21ème siècle.

Les communs privilégient la valeur d'usage des ressources (l'intérêt pour les individus et les collectivités) plutôt que leur valeur d'échange (leur monétisation). Cette approche permet de penser le développement territorial, l'organisation urbaine, la relation entre producteurs et consommateurs…, contribuant ainsi à renouveler la façon dont le développement durable est aujourd'hui envisagé.

L'irruption massive du numérique dans la plupart des champs de l'activité humaine crée des situations inédites. Les réseaux facilitent l'émergence de larges communautés distribuées, susceptibles de se mobiliser pour créer et partager les savoirs (code logiciel, œuvres de l'esprit, cartes coopératives, encyclopédies ouvertes, sciences participatives…). Ces communs de la connaissance sont autant de gisements d'initiatives, de créativité et de mobilisation des individus dans un but collectif.

Communs naturels et communs de la connaissance tissent ensemble des perspectives inédites pour un renouvellement de nos modes de gouvernance et de développement.

Lien : https://ariege.demosphere.net/rv/9034